Rédaction d’une étude de cas

Polytechnique Montréal - IND8115

Nathalie de Marcellis- Warin https://www.polymtl.ca/expertises/de-marcellis-warin-nathalie (Polytechnique Montréal et CIRANO (Canada))https://cirano.qc.ca/fr/communaute/bottin/view/1477
09-04-2020

Table of Contents


Plusieurs auteurs de renom ont proposé leurs approches pour rédiger une étude de cas (Porter, par exemple) ou cabinets de consultations (BCG, McKinsey, etc.). Des acronymes ont été trouvé: SWOT, etc. Nous ne cherchons pas à concurrencer ou critiquer ces méthodes, elles ont toutes leurs avantages. En revanche, nous allons proposer une méthode qui s’appuie directement sur les enseignements de ce livre. Ce sera une extension facile des apprentissages réalisés ici. Un autre avantage de cette méthode est qu’elle s’inspire directement des économistes de l’organisation industrielle, et elle est la traduction française de l’approche Structure-Conduct-Performance (SCP). La seule différence avec l’approche (SCP) est la troisième partie sur la performance: dans ce livre, nous avons fait le choix de parler du contexte à venir, plutôt que de la performance. Ce qui revient à mettre l’accent sur la performance future. Et donc être encore plus dans le domaine de la décision stratégique que l’approche SCP. C’est pour ces raisons que nous privilégions l’approche Structure de marché-Dynamique de marché-Contexte futur (SDC).

Le principe général est d’utiliser les apprentissages du livre. Le livre est en effet organisé en parties qui suivent la matrice SDC. La matrice SDC nous permet (1) de développer un langage commun et (2) un ensemble d’outils partagés par tous pour l’analyse d’une entreprise ou d’une industrie. Cette matrice nous permet d’avoir une meilleure idée de la valeur d’une entreprise à travers une analyse stratégique.

1. Étude de pertinence

Avant de vous lancer dans la rédaction d’une étude de cas, il faut faire une étude de pertinence. Il ne faut pas attendre la fin pour vous rendre compte que tout le monde connait déjà cette entreprise, que l’information est très facilement disponible et que votre apprentissage ne sera que marginal. Certains pensent déjà: “oui, mais comme l’information est disponible, j’aurais une bonne note.” Notre réponse de professeurs: “la note est une conséquence, pas une fin; la fin, ce sont les apprentissages!”

Par exemple, faire une étude de cas sur Airbus, Boeing ou Bombardier, c’est très intéressant. Ce sont des entreprises exceptionnelles. Mais tout le monde a fait une étude de cas sur ces entreprises. En revanche, avez-vous entendu parler de Baidu? Huawei? Tata? Ces entreprises qui ont déjà plus de clients qu’Apple, Google ou Facebook sont peut-être les prochains chefs de file dans leurs industries. Ne tombez pas dans le piège de n’accorder de l’importance qu’à ce que vous connaissez. Soyez conscient qu’il y a beaucoup de choses que vous n’avez pas dans votre ensemble d’informations. C’est cela qu’il faut aller chercher. Sortez de votre zone de confort. Donc, pour ouvrir votre ensemble d’informations, une seule solution: faites des recherches! Passez du temps à vous informer sur les chefs de file des industries dans les pays émergents, etc.

2. Le résumé

Le résumé est une convention dans les rapports professionnels à la fois des grandes organisations internationales comme des grandes entreprises. Dans ce résumé, vous revenez sur les trois ou quatre points forts de votre rapport. Il doit se concentrer sur l’essentiel, être extrêmement didactique et ne doit surtout pas être trop long. Ce résumé exécutif doit être en Français, en Anglais (même si le reste du rapport est seulement en Français, mais cela donnera envie au lecteur de le faire traduire) et pourquoi pas en Mandarin…

3. L’introduction

Objectifs. L’introduction commence par une phrase d’accroche. Cette phrase est courte et souvent choc. Elle a un seul groupe verbal. Un seul vraiment. La deuxième phrase explicite un peu plus cette phrase d’accroche. Les deux ou trois premières phrases forment le premier paragraphe. Il est puissant, intéressant et pousse le lecteur à poursuivre sa lecture. À partir du second paragraphe commence “l’entonnoir.” L’entonnoir est une figure de style qui nous permet de comprendre que l’on débute du plus général pour finir l’introduction sur un angle en particulier, une question en particulier ou un thème en particulier.

Par exemple, l’introduction peut comporter les éléments suivants:

Historique. Bref détail des dates importantes, création, rachat, lancement de produits/services phares, chute/envolée boursière, fusions, acquisitions, changement de politique, positionnement sur un nouveau marché, abandon d’un produit/service/marché.

Services/Produits proposés. Cette section détaille l’activité de l’entreprise étudiée, quels sont les produits mis sur le marché, à qui s’adressent–ils, quels sont les services proposés, sous quelle forme et dans quel contexte de réalisation. L’idée est d’avoir à la fin de ce paragraphe une idée précise des activités actuelles de l’entreprise.

Chiffres clefs. 5 à 10 chiffres clefs pertinents, chiffre d’affaires, nombre de clients, parts de marché, date de création, nombre d’employés, faits marquants passés (fusion/acquisition), implantation locale et ou internationale, répartition du CA selon les services/produits.

L’actualité du marché pertinent dans lequel évolue l’entreprise. Bilan sur les dernières nouvelles concernant le secteur, le lancement d’un produit, la faillite d’un gros acteur, le partenariat entre des concurrents, l’annonce d’un scandale, etc. Appuyez-vous sur les médias spécialisés dans le monde des affaires pour rechercher par mots clefs les informations importantes sur l’entreprise. A la fin de cette recherche, vous devriez être capable de citer les dates clefs de l’entreprise, les scandales qui l’ont éclaboussé ou avoir une idée de son image auprès de la population souvent bien ressentie à travers l’actualité. Les informations sur le secteur sont aussi cruciales, un évènement marquant chez le concurrent peut avoir une influence directe sur la compagnie.

4. Analyse de la structure de marché: le “S”

Toute analyse sérieuse d’une entreprise passe par la reconnaissance que cette analyse ne vaut la peine que dans la comparaison avec les autres entreprises du même secteur. Cependant, bien qu’elle semble facile, la définition d’un secteur n’est en fait pas un exercice facile. Les secteurs industriels bien souvent se chevauchent. Les entreprises fabriquent des produits parfois différents, bénéficient d’économies d’envergure et finissent par s’aventurer dans d’autres secteurs. C’est pourquoi le premier exercice est de définir ce que l’on appelle le marché pertinent. Ce marché pertinent peut être plus petit qu’un secteur industriel ou plus grand qu’un secteur industriel. Il va varier en fonction des entreprises. Chaque entreprise a son propre marché pertinent même si elle appartient au même secteur industriel qu’une autre entreprise. La prise en compte du marché pertinent plutôt que le secteur industriel nous force à réaliser que chaque entreprise est unique et entre en compétition avec des entreprises qui sont parfois en dehors de son secteur industriel premier. La délimitation du marché pertinent représente l’essentiel du travail d’analyse de la structure de marché. Chaque division (ou gamme de produits parfois) de l’entreprise aura son propre marché pertinent. C’est donc un travail long et nécessaire à faire. Il faudra faire des hypothèses et les justifier. Il faut bien réaliser aussi que le marché pertinent peut se définir selon deux dimensions: la dimension produit et la dimension géographique.

Une fois ce marché pertinent défini et délimité, il faut commenter sur la structure de marché par segment de produits la plupart du temps en utilisant les concepts étudiés: concurrence pure et parfaite, concurrence monopolistique, monopole, concurrence imparfaite, oligopoles, duopoles de Cournot, Stackelberg, Edgeworth, Bertrand et aussi les monopsones.

Il est aussi intéressant de revenir sur l’historique de l’entreprise en utilisant ce vocabulaire. Une entreprise qui était en concurrence pure et parfaite a peut-être évolué vers une situation de monopole à travers la mise en place de stratégies. Cela permet de faire la transition vers la section suivante: l’analyse des stratégies de l’entreprise.

À titre d’exemple et surtout pour votre culture général, vous pouvez aller voir la matrice de Porter développée en 1979 dont 3 des 5 forces peuvent être utilisées ici.

5. Analyse des stratégies de l’entreprise: le “D”

Objectifs. Il est clair qu’une entreprise peut se nourrir de la concurrence, mais en réalité cette dernière est plutôt une contrainte qu’un objectif. Dans ces conditions, l’entreprise développe des stratégies. Une stratégie efficace va créer une barrière à l’entrée. Rappelez-vous Demsetz: les barrières à l’entrée peuvent être interprétées comme des barrières stratégiques, règlementaires ou technologiques. Les objectifs de ces stratégies sont évidemment à la fois (1) de résister à la concurrence et aussi (2) de s’extraire de cette pression concurrentielle (a) en renforçant son assise sur son marché pertinent et (b) en gagnant de nouvelles parts de marché.

Types de stratégies. Traditionnellement, la littérature en organisation industrielle présente les stratégies suivantes: la différenciation de produits (Hotelling et Salop), la discrimination par les prix (1er, 2ème et 3ème degré), l’innovation (produit et processus), les verrouillages technologiques, les barrières à l’entrée, l’intégration (horizontale et verticale). La propriété intellectuelle est aussi vue comme un outil stratégique, c’est de plus en plus important. C’est dans cette section que l’on peut parler de l’historique des fusions- acquisitions, des aventures communes (joint ventures), ou des licences pour faire de l’entreprise ce qu’elle est présentement.

Intérêt. Le principal intérêt de mettre en place des stratégies est d’augmenter l’intensité stratégique et de se déplacer vers des structures de marché davantage monopolistiques que de concurrence pure et parfaite. Rappelez-vous que l’on parle ici du marché pertinent de l’entreprise. L’entreprise en se déplaçant verticalement sur l’axe “D” (augmentation de son intensité stratégique) espère ainsi se déplacer aussi horizontalement sur l’axe “S”.

6. Analyse du contexte de l’entreprise : le “C”

Objectifs. Il faut bien comprendre la définition du contexte. Il s’agit du contexte présent et futur. Il ne s’agit pas de l’historique règlementaire, culturel, etc. Ces derniers thèmes ont été abordés dans l’introduction et dans les sections précédentes. Ici, il s’agit du contexte (1) règlementaire présent et à venir, (2) des situations culturelles, de leurs différences et des changements que l’on anticipe, (3) les perspectives de croissance dans le secteur industriel,(4) des grands changements technologiques à venir, et (5) des grands changements économiques (zones de libre-échange par exemple).

Pour résumer ce concept - et peut-être ne pas lui faire justice - il s’agit de regarder l’avenir dans lequel l’entreprise va évoluer. Le contexte industriel permet en effet de mettre en lumière l’avenir de l’entreprise: les menaces et opportunités dans l’environnement interne et externe de l’entreprise.

À titre d’exemple et à nouveau pour votre culture générale, la méthode Pestel est une méthode de management. Cette méthode repose sur des hypothèses fortes. Il faut faire attention, mais bien utilisée, elle sert en fait de bonne liste d’items à vérifier. Elle permet d’analyser les facteurs de l’environnement externe dans lequel l’entreprise évolue. Ces éléments sont d’autant plus importants car il s’agit de facteurs hors de son contrôle qui peuvent représenter des risques ou des opportunités. Cette analyse de fait d’un point de vue:

7. Conclusion

L’analyse connue en management sous l’acronyme SWOT peut en fait être utile pour articuler la conclusion. Comprendre et décrire l’environnement interne et externe. Donc, énoncer les opportunités et menaces (environnement externe) et les forces et faiblesses (environnement interne). Ici le but est de bien comprendre l’environnement dans lequel gravite l’entreprise et de faire ressortir un maximum de 5 éléments, les plus pertinents, par catégories. La matrice de votre analyse SWOT est donc une classification des éléments d’informations trouvés au cours de votre étude de cas.