class: center, middle, inverse, title-slide # Séance 8 : Stratégies de différenciation ### Nathalie De Marcellis-Warin, PhD --- ## Introduction **Jusqu’à maintenant :** **HYPOTHÈSE = produits parfaitement homogènes.** Dans la pratique de multiples caractéristiques permettent de distinguer la production d'une entreprise de celle de ses concurrents dans une même branche. On peut introduire une certaine **différenciation entre les produits**. --- ## Différenciation des produits * Différenciation spatiale * Différenciation psychologique * Différenciation minimale * Différenciation maximale * Différenciation horizontale: - La ville linéaire - La ville circulaire * Différenciation verticale --- ## Caractéristiques d’un bien **Les caractéristiques d’un bien** peuvent permettre de le différencier par rapport aux autres biens proposés par les concurrents. Même si les produits ont le même usage, leurs caractéristiques peuvent être différentes. Il peut s’agir de différences intrinsèques (qualité, couleurs proposées), de différences dans les services liés à la vente (service après-vente, livraison), de différences de localisation géographique ou de différences subjectives créées dans l’esprit des clients (publicité, emballage, etc). --- ## Les grands types de différenciation On distingue classiquement deux grands types de modèle de différenciation : - la différenciation horizontale ou spatiale, qui renvoie à des différences de goût subjectives entre les consommateurs (il n’y a pas de caractéristiques objectives du produit) - la différenciation verticale, où tous les consommateurs sont d’accord pour classer les produits de la même façon (il y a une perception unanime sur certaines caractéristiques du produit : par exemple, la qualité). *Un consommateur n’aime pas le rouge et refusera d’acheter une voiture rouge. Prenons un autre exemple. Un petit supermarché de quartier ne vend pas une certaine marque de yaourt. Par contre, l’hypermarché à 2 km les propose. Tous les clients du petit supermarché et consommateurs de yaourt ne seront pas prêts à faire 2 km pour acheter cette marque.* --- ## Produits différenciés * Les produits différenciés sont perçus par le consommateur comme des substituts plus ou moins proches en fonction de leur degré de différentiation. * Deux produits ayant le même usage mais fabriqués par deux entreprises différentes sont rarement identiques. * La demande d’un produit spécifique, dans un éventail de produits différenciés, va donc dépendre des préférences des consommateurs. * Les consommateurs reconnaissent généralement qu’il existe des différences réelles entre les produits différenciés. Ce comportement conduit souvent à une fidélité à un produit en particulier. --- ## Différenciation maximale La différenciation des produits dans toutes ses formes vise un objectif principal : s’écarter de l’hypothèse d’homogénéité des biens faite dans le cadre de la concurrence pure et parfaite. Celle-ci conduisait, entre autres, à des profits nuls. Or, toute entreprise veut générer des profits positifs. Un moyen est de fidéliser une partie de la demande en lui vendant des produits répondant spécifiquement à ses besoins. La segmentation du marché et la réponse à certaines niches est parfois une clé du succès. L’entreprise qui réussit à différencier ses produits, et donc qui fera de la différenciation maximale, aura un pouvoir de marché, et pourra augmenter ses prix ou s’écarter de la concurrence au prix à laquelle se livrent ses concurrents. --- ## Différenciation minimale Mais la différenciation n’a pas toujours pour objectif de s’éloigner des produits des concurrents. Il peut être parfois intéressant au contraire de créer des similitudes, soit réelles, soit dans l’esprit des consommateurs. On parlera alors de différenciation minimale. Samsung, se basant sur des designs de téléphones intelligents similaires aux appareils d’Apple, se positionne comme un acteur équivalent à la firme californienne, malgré une entrée sur le marché plus tardive. --- ## Différenciation spatiale Les modèles de différenciation, que nous allons développer, sont souvent présentés comme des modèles de localisation. On parle de différenciation spatiale et la différenciation correspond à une distance physique : la distance qui sépare les consommateurs de chacune des entreprises. Les consommateurs sont localisés en des points différents et payent des coûts de transport qui dépendent de la distance qu’ils doivent parcourir lorsqu’ils vont acheter un produit --- ## Le modèle de différenciation spatiale : la ville linéaire Le modèle linéaire représenté par Hotelling (1929) : <br> <img src="images/chap7_1.png" width="70%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Le modèle de différenciation spatiale : la ville linéaire <br> <img src="images/chap7_2.png" width="70%" style="display: block; margin: auto;" /> <br> L’entreprise A va obtenir tous les clients entre le début du segment et a, l’entreprise B ceux situés entre b et la fin du segment et elles vont se partager les clients situés entre a et b. Pour déterminer le choix de l’emplacement sur le segment [0, 1], les entreprises vont étudier la demande correspondante. --- ## Le modèle de différenciation spatiale : la ville linéaire Le consommateur X situé en x est indifférent entre l’entreprise A et l’entreprise B si ce qu’il devra payé (prix du bien + coûts de transport) est le même pour les deux entreprises : <br> <img src="images/chap7_3.png" width="70%" style="display: block; margin: auto;" /> <img src="images/chap7_4.png" width="80%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Le modèle de différenciation spatiale : la ville linéaire <br> <img src="images/chap7_5.png" width="80%" style="display: block; margin: auto;" /> <br> A l’équilibre, les deux entreprises vont avoir la même localisation. Cette stratégie s’appelle la différentiation minimale. Cela explique donc le fait que des entreprises choisissent souvent des produits proches. A l’équilibre, les deux entreprises vont se situer au milieu du segment. --- <img src="images/chap7_6.png" width="90%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Différenciation spatiale et stratégie de prix <img src="images/chap7_7.png" width="50%" style="display: block; margin: auto;" /> On suppose maintenant que les entreprises choisissent aussi le prix du bien. Elles vont donc choisir leur localisation en tenant compte de la concurrence en prix qui va s’établir. Nous allons considérer une variante du modèle dans lequel les coûts de transport sont quadratiques. <img src="images/chap7_8.png" width="15%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Différenciation spatiale et stratégie de prix <img src="images/chap7_9.png" width="80%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Différenciation spatiale et stratégie de prix <img src="images/chap7_10.png" width="70%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Différenciation spatiale et stratégie de prix Les localisations ont un impact sur les prix d’équilibre : - si les entreprises sont localisées au même endroit, les prix d’équilibre sont nuls. Les entreprises font de la différenciation minimale et la concurrence est à son maximum. On appelle cet effet, l’effet centripète. - si les entreprises sont chacune à un bout du segment alors les prix sont élevés. Les entreprises font de la différenciation maximale et l’effet de concurrence est diminué mais les parts de marché baissent à cause des prix élevés. On appelle cet effet, l’effet centrifuge. --- ## Différenciation spatiale et stratégie de prix La localisation des entreprises à l’équilibre se fait en fonction de l’interaction de l’effet centripète et de l’effet centrifuge. Intuitivement, lorsque les entreprises choisissent à la fois les produits et les prix, elles font face au dilemme suivant : - soit elles choisissent une forte différenciation de leur produit et elles diminuent l’impact de la concurrence sur leur prix de vente. Elles gagnent donc sur les prix mais perdent sur les parts de marché donc sur leur volume de vente. - soit elles choisissent une faible différenciation et elles augmentent leurs parts de marché mais l’impact de la concurrence est plus fort. Elles gagnent sur les volumes de vente mais perdent sur les prix. --- ## La ville circulaire <img src="images/chap7_11.png" width="70%" style="display: block; margin: auto;" /> Les consommateurs sont situés sur un cercle de circonférence égale à 1, de façon uniforme. Dans ce cas, l’espace produit est totalement homogène (aucune localisation n’est à priori meilleure qu’une autre). Tous les déplacements se font le long du cercle (imaginons des supermarchés dans une banlieue circulaire, la ville étant coûteuse à traverser) --- ## La ville circulaire Lorsque les hypothèses de la ville linéaire ne peuvent s’appliquer, il est possible de disposer d’un autre filtre d’analyse : le modèle de la ville circulaire proposé par Salop (1979). L’idée est que le centre du cercle n’est pas accessible. Dans la réalité, cela peut correspondre à un centre ville qui est interdit pour certaines activités économiques par la réglementation (par exemple, les stations services, etc.). --- ## La ville circulaire Les consommateurs souhaitent acheter une unité du bien; ils ont tous un coût de transport. Chaque entreprise ne peut retenir qu’une seule localisation. Quel que soit le nombre n d’entreprises, l’équilibre s’obtient lorsqu’elles sont placées de façon équidistante sur le cercle. Le principe de différentiation maximale s’applique donc. Pour l’illustrer, supposons trois entreprises placées sur le cercle. Si elles se placent de façon équidistante, elles ont chacune 1/3 de la demande. <img src="images/chap7_12.png" width="30%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Dynamique du modèle de Salop Supposons que l’entreprise A se déplace, elle continuera à avoir 1/3. Elle n’a donc pas intérêt à se déplacer. Néanmoins, si A se déplace vers C, B va y gagner mais C va y perdre. C va donc se déplacer. Mais si C se déplace B va se déplacer. Elles ont donc intérêt à se placer de façon équidistante. C’est la seule solution d’équilibre. <img src="images/chap7_13.png" width="30%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Stratégie de différenciation verticale Pourquoi les produits de mauvaise qualité se vendent-ils ? Cette question a été introduite dans la littérature par George Akerlof (1970). Les produits de haute qualité sont toujours plus chers que ceux de moins bonne qualité. C’est une évidence, dont les raisons sont liées à des considérations techniques (longévité), ergonomiques (confort), etc. Mais, cette évidence revêt un enjeu de taille. Elle va entraîner des mécanismes qui vont amplifier les écarts entre la faible et la haute qualité. --- ## Pourquoi les produits de mauvaise qualité se vendent-ils ? La différenciation verticale est une différenciation par la qualité. - L’analyse présentée ici a été développée entre autres par Jaskold Gabszewicz and Thisse (1979), Jaskold Gabszewicz and Thisse (1980), Shaked and Sutton (1982), et Shaked and Sutton (1983). --- ## Pourquoi les produits de mauvaise qualité se vendent-ils ? <img src="images/chap7_14.png" width="60%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Pourquoi les produits de mauvaise qualité se vendent-ils ? Nous allons situer le consommateur indifférent entre les deux niveaux de qualité et définir la demande correspondante au niveau de qualité choisi par les firmes. Les résultats de la concurrence en prix montrent que les firmes préfèrent une différenciation aussi grande que possible : la différenciation maximale s’appliquera. En effet, si la qualité la plus faible est vraiment faible alors elle ne peut pas rentrer en concurrence avec la qualité la plus haute tandis que si elle est proche de la très haute qualité, elle déclenche une concurrence en prix. --- ## Pourquoi les produits de mauvaise qualité se vendent-ils ? Toutefois, chaque firme préfère produire la qualité la plus haute. Il existe donc une indétermination quand à la firme qui va produire la qualité élevée. Si une entreprise avait la possibilité de choisir sa qualité avant son concurrent, elle choisirait la haute qualité et son concurrent choisirait la qualité faible afin de diminuer la concurrence en prix. --- ## Les limites de la différenciation verticale Deux critiques peuvent être formulées : La première repose évidemment sur la perception de la qualité qui est parfois subjective. La seconde critique porte sur la notion de qualité/prix. Dans l’hypothèse où les individus ont la même perception de la qualité, ils n’ont pourtant pas tous la même appréciation du rapport qualité/prix. Les échelles de grandeur sont, elles aussi, fortement subjectives. --- ## Conclusion L’exemple de l'ipad ? la tablette par excellence ?!?! <br> <img src="images/chap7_15.png" width="70%" style="display: block; margin: auto;" /> --- ## Dynamique de marché Matrice S-D-C : <img src="images/chap7_16.png" width="40%" style="display: block; margin: auto;" /> La différenciation et la discrimination sont des stratégies d’entreprise qui permettent de créer un certain pouvoir de marché.